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L'école au siècle passé

L'école au siècle passé

L'école au siècle passé

Zwei Gassenbuben par Egon Schiele via Wikimedia Commons

Il va de soi qu'après l'école primaire, on m'enverrait au lycée. Dans toutes les familles fortunées, on tenait, ne fussent que pour les relations sociales, à avoir des fils "cultivés " ; on leur faisait apprendre le français et l'anglais, on les initiait à la musique, on engageait d'abord des gouvernantes, puis des précepteurs chargés de leur enseigner les bonnes manières. 
Mais seule la formation "académique" qui ouvrait les portes de l'université conférait toute sa valeur à un jeune homme en ces temps de libéralisme "éclairé". C'est pourquoi toute "bonne" famille avait l'ambition qu'un de ses fils au moins fît précéder son nom de quelque titre de docteur. Or cette voie qui menait à l'université était assez longue et n'avait rien de rose. Pendant cinq années d'école primaire et huit ans de lycée, il fallait passer cinq à six heures par jour sur les bancs de la classe, puis, une fois les cours terminés, faire ses devoirs, et aussi ce qu'exigeait la "culture générale" - apprendre le français, l'anglais et l'italien, à côté du latin et du grec qui s'enseignaient en classe, en tout cinq langues, à quoi s'ajoutaient la géométrie et la physique, et toutes les autres matières scolaires. C'était plus que trop, et cela ne laissait presque aucune place pour les exercices corporels, les sports et les promenades, ni surtout pour les plaisirs et les divertissements.
Je me rappelle confusément qu'à sept ans, il nous avait fallu apprendre et chanter en choeur je ne sais plus quelle chanson où il était question du "temps joyeux, du temps bienheureux de l'enfance". J'ai encore à l'oreille la mélodie de cette chanson, à la simplicité un peu niaise, mais, à l'époque déjà, les paroles avaient peine à franchir mes lèvres et surtout à pénétrer mon cœur de conviction. Car pour être franc, toute ma scolarité ne fut pour moi qu'ennui et dégoût, accrus d'année en année par l'impatience d'échapper à ce bagne.
Je ne puis pas me souvenir d'avoir été "joyeux" ou "bienheureux" au cours de cette activité scolaire monotone sans cœur et sans esprit, qui nous empoisonnait complétement la plus belle, la plus libre époque de notre existence  ; et j'avoue même que je ne puis me défendre aujourd'hui encore d'une certaine envie quand je vois aujourd'hui comment l'enfance peut se développer plus heureusement, plus librement dans ce siècle-ci.
Et j'éprouve toujours une sensation d'invraisemblance quand j'observe avec quel abandon les enfants d'aujourd'hui bavardent avec leurs maîtres, presque d'égal à égal, quand je les vois courir à leur école, sans manifester aucune crainte, au lieu que nous vivions dans le sentiment de notre insuffisance, quand je vois qu'ils peuvent exprimer ouvertement, tant à l'école qu'à la maison, les vœux, les inclinations de leur jeune âme curieuse, - en créatures libres, indépendantes, naturelles – au lieu qu'à peine franchi le seuil du bâtiment détesté il nous fallait en quelque sorte nous courber en nous-même pour ne donner du front contre le joug invisible.
L'école était pour nous la contrainte, la tristesse, l'ennui, un lieu où nous devions ingurgiter en portions exactement mesurées "la science de ce qui ne mérite pas d'être su", matières scolaires ou rendues scolaires dont nous sentions qu'elles ne pouvaient pas avoir le moindre rapport avec le réel de nos centres d'intérêts personnels. Ce que nous imposait l'ancienne pédagogie, c'était un apprentissage morne, non pas de la vie mais pour lui même. Et le seul vrai moment de bonheur que je doive à l'école, c'est le jour où je fermai pour toujours sa porte derrière moi.