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Sigmund Freud

Sigmund Freud

Sigmund Freud

Die feindlichen Gewalten par Gustav Klimt via Wkimedia Commonswc

C'est à Vienne à l'époque où il était encore qualifié de penseur capricieux, obstiné et difficile, et détesté comme tel, que j'avais connu Sigmund Freud, ce grand et sévère esprit, qui, plus qu'aucun autre en ce temps a approfondi et élargi la connaissance de l'âme humaine. Fanatique de la vérité mais en même temps parfaitement conscient des limites de toute vérité - il m'avait dit un jour : "Il n'y a pas plus de vérité à cent pour cent que d'alcool à cent degrés" - il était devenu étranger à l'université et à ses prudences académiques par l'inébranlable obstination avec laquelle il s'était aventuré dans ces zones, inexplorées et craintivement évitées, du monde trop terrestre des pulsions, donc justement dans cette sphère que ce temps-là avait solennellement déclarée "taboue".
Sans en avoir conscience, ce monde optimiste et libéral sentait que cet esprit qui se refusait à tout compromis sapait inexorablement, avec sa psychologie des profondeurs, leur thèse de la lente répression des instincts par la "raison" et le "progrès" que par son impitoyable technique du dévoilement, il était un danger pour leur méthode consistant à ignorer tout ce qui était désagréable. Mais ce n'était pas seulement l'université, ce n'était seulement la caste des neurologues démodés qui s'unissaient contre ce "franc-tireur" incommode -, c'était le monde entier, le vieux monde tout entier, la vieille manière de penser, la "convention" morale, c'était toute l'époque qui redoutait en lui le dévoileur.
Lentement se forma contre lui un boycott médical, il perdit sa clientèle, et comme scientifiquement ses thèses, et même dans ses aspects les plus audacieux, sa façon de poser les problèmes étaient irréfutables, on chercha à se débarrasser de sa théorie des rêves à la manière viennoise, c'est-à-dire en la traitant par l'ironie ou en la banalisant jusqu'à en faire un amusant jeu de société.
Seul un petit cercle de fidèles se rassembla autour du solitaire, pour des discussions hebdomadaires, au cours desquelles la science nouvelle de la psychanalyse prit forme pour la première fois. Longtemps déjà avant que je fusse moi-même conscient de toute l'extension que prendrait cette révolution philosophique qui s'élaborait lentement à partir des premiers travaux fondamentaux de Freud, l'attitude forte, moralement inébranlable de cet homme extraordinaire m'avait déjà gagné à lui.
Je voyais enfin en lui un homme de sciences tel qu'un jeune être aurait pu se le donner en exemple dans ses rêves, prudent dans toutes ses affirmations tant qu'il n'avait pas la preuve ultime et une certitude absolue, mais inébranlable face à la certitude du monde entier dès qu'une hypothèse s'était transformée pour lui en hypothèse valable, un homme modeste quant à sa personne, mais résolu à combattre pour chacun des articles de sa doctrine et fidèle jusqu'à la mort à la doctrine immanente qu'il défendait dans ce qu'il avait découvert. On ne pouvait pas imaginer un être plus intrépide d'esprit.
Freud osait à chaque instant exprimer ce qu'il pensait, même quand il savait qu'il inquiétait et troublait par ses déclarations claires et inexorables ; jamais il ne cherchait à rendre sa position moins difficile par la moindre concession, même de pure forme. Je suis persuadé que Freud aurait pu exposer, sans rencontrer de résistance du côté de l'université, les quatre-cinquièmes de ses théories, s'il avait été prêt à les draper prudemment, à dire "érotique" au lieu de "sexualité", "Eros" au lieu de "libido", et à ne pas toujours établir inexorablement les dernières conséquences au lieu de se borner à les suggérer. Mais dès qu'il s'agissait de son enseignement et de la vérité, il restait intransigeant ; plus ferme était la résistance, plus il s'affermissait dans sa résolution.
Quand je cherche un symbole du courage moral - le seul héroïsme au monde qui ne réclame pas de victime -, je vois toujours devant moi devant le beau visage de Freud, à la clarté virile, avec ses yeux sombres au regard droit et tranquille.