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Joyeux lurons

Joyeux lurons

Joyeux lurons

Le père Batissette

Le père Batissette

Partie de cartes par Cornelius Krieghoff via Wikimedia Commons

Le père Batissette vint ouvrir lui-même et nous fûmes reçus à bras ouverts par les invités que nous connaissions presque tous. Nous fûmes d’abord assaillis de questions :
– D’où venez-vous ?
– Je vous croyais dans les chantiers !
– Vous arrivez bien tard !
– Venez prendre une larme !
Ce fut encore Baptiste qui nous tira d’affaire en prenant la parole :
– D’abord, laissez-nous nous décapoter et puis ensuite laissez-nous danser. Nous sommes venus exprès pour ça. Demain matin, je répondrai à toutes vos questions et nous vous raconterons tout ce que vous voudrez.
Pour moi j’avais déjà reluqué Liza Guimbette qui était faraudée par le p’tit Boisjoli de Lanoraie. Je m’approchai d’elle pour la saluer et pour lui demander l’avantage de la prochaine qui était un reel à quatre.
Elle accepta avec un sourire qui me fit oublier que j’avais risqué le salut de mon âme pour avoir le plaisir de me trémousser et de battre des ailes de pigeon en sa compagnie. Pendant deux heures de temps, une danse n’attendait pas l’autre et ce n’est pas pour me vanter si je vous dis que, dans ce temps-là, il n’y avait pas mon pareil à dix lieues à la ronde pour la gigue simple ou la voleuse.
Mes camarades, de leur côté, s’amusaient comme des lurons, et tout ce que je puis vous dire, c’est que les garçons d’habitants s'étaient fatigués de nous autres, lorsque quatre heures sonnèrent à la pendule.
J’avais cru apercevoir Baptiste Durand qui s’approchait du buffet où les hommes prenaient des nippes de whisky blanc, de temps en temps, mais j’étais tellement occupé avec ma partenaire que je n’y portai pas beaucoup d’attention. Mais maintenant que l’heure de remonter en canot était arrivée, je vis clairement que Baptiste avait pris un coup de trop et je fus obligé d’aller le prendre par le bras pour le faire sortir avec moi, en faisant signe aux autres de se préparer à nous suivre sans attirer l’attention des danseurs.
Nous sortîmes donc les uns après les autres sans faire semblant de rien et cinq minutes plus tard, nous étions remontés en canot, après avoir quitté le bal comme des sauvages, sans dire bonjour à personne ; pas même à Liza que j’avais invitée pour danser un foin. J’ai toujours pensé que c’était cela qui l’avait décidée à me trigauder et à épouser le petit Boisjoli sans même m’inviter à ses noces, la bougresse.
Mais pour revenir à notre canot, je vous avoue que nous étions rudement embêtés de voir que Baptiste Durand avait bu un coup, car c’était lui qui nous gouvernait et nous n’avions juste que le temps de revenir au chantier pour six heures du matin, avant le réveil des hommes qui ne travaillaient pas le jour du jour de l’an.
La lune était disparue et il ne faisait plus aussi clair qu’auparavant, et ce n’est pas sans crainte que je pris ma position à l’avant du canot, bien décidé à avoir l’œil sur la route que nous allions suivre. Avant de nous enlever dans les airs, je me retournai et je dis à Baptiste :
– Attention ! là, mon vieux. Pique tout droit sur la montagne de Montréal, aussitôt que tu pourras l’apercevoir.
– Je connais mon affaire, répliqua Baptiste, et mêle-toi des tiennes !
Et avant que j’aie eu le temps de répliquer :
Acabris ! Acabras ! Acabram ! Fais-nous voyager par-dessus les montagnes !