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Querelle dans Goodge Street

Querelle dans Goodge Street

Querelle dans Goodge Street

Il est arrivé chez moi

Il est arrivé chez moi

par Sidney Paget via Wikimedia Commons

Il est arrivé chez moi le matin de Noël, en compagnie d’une belle oie bien grasse, qui, je n’en doute pas, est à l’heure qu’il est en train de rôtir sur le feu de Peterson. Les faits, les voici.
Le matin de Noël, vers quatre heures, Peterson – qui, comme vous le savez, est un garçon parfaitement honnête – rentrait chez lui après une petite bombe quand, dans Tottenham Court à la lumière des réverbères, il aperçut, marchant devant lui et zigzaguant un peu, un homme assez grand qui portait une oie sur l’épaule. Au coin de Goodge Street, une querelle éclata entre cet inconnu et une poignée de voyous, dont l’un lui fit sauter son chapeau. L’homme leva sa canne pour se défendre et, lui faisant décrire un moulinet au- dessus de sa tête, fracassa la glace du magasin qui se trouvait derrière lui. Peterson se mit à courir pour porter secours au bonhomme, mais celui-ci, stupéfait d’avoir fait voler une vitrine en éclats et peut-être inquiet de voir arriver sur lui un type en uniforme, laissait tomber son oie, tournait les talons dans le labyrinthe des petites rues voisines.
Les voyous ayant, eux aussi, pris la fuite à son apparition, Peterson restait maître du champ de bataille. Il ramassa le butin, lequel se composait de ce chapeau qui défie les qualificatifs et d’une oie à qui il n’y avait absolument rien à reprocher.
– Naturellement, il les a restitués, l’un et l’autre, à leur légitime propriétaire ?
– C’est là, mon cher ami, que gît le problème ! Il y avait bien, attachée à la patte gauche de l’oie, une étiquette en carton portant l’inscription : "Pour Mme Henry Baker", on trouve aussi sur la coiffe du chapeau les initiales "H. B. ", mais, comme il y a dans notre bonne ville quelques milliers de Baker et quelques centaines de Henry Baker, il est difficile de trouver le bon pour lui rendre son bien.
– Finalement, quel parti Peterson a-t-il pris ?
– Sachant que la moindre petite énigme m’intéresse, il m’a, le jour de Noël, apporté ses trouvailles. Nous avons gardé l’oie jusqu’à ce matin. Aujourd’hui, malgré le gel, certains signes indiquaient qu’elle "demandait" à être mangée sans délai. Peterson l’a donc emportée vers ce qui est l’inéluctable destin des oies de Noël. Quant au chapeau, je l’ai gardé.
– Son propriétaire n’a pas mis deux lignes dans le journal pour le réclamer ?
– Non.
– De sorte que vous n’avez rien qui puisse vous renseigner sur son identité ?
– Rien. Mais nous avons le droit de faire quelques petites déductions…
– En partant de quoi ? Du chapeau ?
– Exactement.
– Vous plaisantez ! Qu’est-ce que ce vieux melon pourrait vous apprendre ?
– Voici ma loupe, Watson ! Vous connaissez ma méthode. Regardez et dites-moi ce que ce chapeau vous révèle sur la personnalité de son propriétaire.
Je pris l’objet sans enthousiasme et l’examinai longuement. C’était un melon noir très ordinaire, qui avait été porté – et pendant très longtemps – par un homme dont la tête ronde n’offrait aucune particularité de conformation. La garniture intérieure, en soie, rouge à l’origine, avait à peu près perdu toute couleur. On ne relevait sur la coiffe aucun nom de fabricant. Il n’y avait que ces initiales "H. B. " dont Holmes m’avait parlé. Le cordonnet manquait, qui aurait dû être fixé à un petit oeillet percé dans le bord du feutre. Pour le reste, c’était un chapeau fatigué, tout bosselé, effroyablement poussiéreux, avec çà et là des taches et des parties décolorées qu’on paraissait avoir essayé de dissimuler en les barbouillant d’encre.
– Je ne vois rien, dis-je, restituant l’objet à mon ami. 
– Permettez, Watson ! Vous voyez tout ! Seulement, vous n’osez pas raisonner sur ce que vous voyez. Vous demeurez d’une timidité excessive dans vos conclusions.
– Alors, puis-je vous demander ce que sont vos propres déductions ?