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Le Saci Pererê

Le Saci Pererê

Le Saci Pererê

Le Sací est sans doute le personnage fantastique le plus célèbre du folklore brésilien. On le connait surtout aujourd'hui sous le surnom de Saci Pererê, noir comme du charbon, mais son nom d'origine Yaci-Yateré provient de la langue indienne tupi- guarani et il existe, en fait, de nombreuses variantes de Saci, "Sací trique", mulâtre, ou encore "Sací saçurá", avec les yeux rouges.
Sous sa forme originelle, le Saci était une sorte de diable unijambiste doté d'une queue dont la ruse et les tours devaient perturber l'invasion des Européens dans les territoires indiens. Au fil du temps, son personnage s'est enrichi d'éléments apportés par les esclaves noirs d'Afrique et les colons portugais, tels le "cachimbo", la pipe africaine, et le bonnet rouge, symbole des Européens et source de son pouvoir magique lui permettant d'apparaître et de disparaître à volonté. Mais la malice du Saci ne s'est pas émoussée, bien au contraire, et l'on raconte toujours ses mauvais tours. En 2005, le gouvernement brésilien a même décidé de lui consacrer une journée nationale. Le 31 octobre est désormais la journée nationale du Saci au Brésil.

Voici une histoire de Saci écrite de l'écrivain brésilien Monteiro Lobato, une des versions plus célèbres au Brésil, traduite et adaptée du portugais en français.

Oncle Bernabé était un vieux noir de 80 ans, qui habitait dans un ranch couvert de chaume, tout proche d’un pont. Pedrinho (Petit Pierre) alla le voir, sans rien dire à personne. Il le trouva assis à la porte de sa maison, un pied sur un morceau de bois, et se chauffant au soleil.
- Oncle Barnabé, il y a quelque chose que je veux savoir depuis toujours et que personne ne veut me dire. C’est au sujet du Saci. Existe-t-il vraiment ?
Le vieux se mit à rire, fit sortir un nuage de fumée de sa vieille pipe et commença à raconter :
- Je jure que le Saci existe bel et bien. Les gens de la ville ne le croient pas mais il existe vraiment. La première fois que je l’ai vu, j’avais ton âge. C’était du temps des esclaves, dans la fazenda (ferme) du Passo Fundo, qui appartenait au défunt major Teotônio, le père du colonel Teodorico, parrain de ta grand-mère dona Benta. C’est la première fois que je l’ai vu. Et après cela, je l'ai revu de nombreuses fois.
- Racontez donc ! Comment est-il ? Tante Nastácia m’a dit que vous saviez, que vous savez tout...
- Et comment ne saurais-je pas tout ? J’ai quand même 80 ans ! Qui vit longtemps sait beaucoup...
- Racontez ! Qu’est-ce que le Saci ?
Et le vieux lui raconta.
- Le Saci, commença-t-il, est un petit diable avec une seule jambe qui parcourt le monde, en faisant beaucoup de bêtises et écrasant toutes les petites créatures qu’il rencontre. Il a toujours une pipe allumée et un bonnet rouge sur la tête. Il tire sa force de son bonnet, comme la force de Samson était dans les cheveux. Qui arrive à lui enlever et cacher son bonnet garde le Saci esclave toute sa vie.
- Mais que fait-il exactement ? demanda le petit.
- Mais toutes les bétises qu'il peut faire ! répondit le vieux. Il fait tourner le lait, casse la pointe des aiguilles, cache les pinces à ongles, emmêle les pelotes de laine, fait tomber les dés des couturières dans les trous. Il jette aussi des mouches dans la soupe, brûle les haricots, casse les œufs des couvées. Quand il trouve un clou, il le met pointe en haut pour blesser le premier pied qui passe. Tous les malheurs qui arrivent dans la maison sont toujours de sa faute. Non content de cela, il embête aussi les chiots, renverse les poules et poursuit les chevaux dans les champs, boit leur sang. Il ne fait pas grand mal, mais il n’y a pas de petite bêtise qu’il ne fasse dit Oncle Barnabé.
- Et y a-t-il des gens qui ont vraiment vu le Saci ?
- Et comment ! Moi, par exemple, je l’ai vu de nombreuses fois. Encore le mois passé par ici, un Saci m’a embêté et je lui ai donné une leçon…
- Comment ? Racontez !
Et oncle Bernabé raconta.
- Il commençait à faire nuit et j’étais seul à la maison, récitant mes prières. J’ai eu envie de manger du pop-corn. Je suis allé dans le fumoir et j’ai choisi un bel épi bien sec. J’ai battu le maïs dans une casserole, mis la casserole au feu et attendu. J’ai alors entendu un gros bruit et je me suis dit : ce ne peut être qu’un Saci ! Et c’en était un. Surgit alors à la fenêtre un Saci bien noir, plus noir encore que le charbon, avec un bonnet rouge et une petite pipe à la bouche. Je me suis tu et j'ai fait semblant de dormir. Le Saci regarda d’un côté, puis de l’autre, et entra dans la maison. Je le vis s'approcher de moi, pour écouter mes ronflements et vérifier que je dormais bien. Il fit le tour de la maison comme si c'était la sienne. Il toucha et renifla partout. Le pop-corn commença alors à faire du bruit dans la casserole. Il se dirigea vers le feu. Et il dévora le tout. Il partit alors prendre les œufs d’une couvée. Ma pauvre poule en mourut presque de peur. Elle s’envola du nid, plus hérissée qu’un hérisson. Le Saci goba tous ses œufs. Il essaya alors d’attraper ma pipe. Il la trouva sur la table et en tira 7 bouffées. Car le Saci aime le chiffre 7. Je me suis alors dit : Laisse faire la bruyante petite chose, je lui en réserve une bien bonne. Si tu reviens ici, je m’occuperai de toi. Et c’est ce qui se passa. Après avoir touché à tout, le Sacizinho (le petit Saci) partit et je préparais mon plan pour quand il reviendrait.
- Et il est revenu ? demanda Pedrinho.
- Et comment donc ! Le vendredi suivant, il arriva à la même heure. Il regarda par la fenêtre, écouta mes ronflements et entra. Il toucha à tout, comme la première fois, attrapa de nouveau ma pipe qui était au même endroit, la mit à la bouche et alla à la cheminée chercher une braie qu’il rapporta dans ses mains.
- Et c’est vrai qu’il a les mains trouées ?
- Oui, c’est vrai. Il a les paumes des mains trouées. Quand il transporte de la braise, il joue avec, la faisant passer d’une main à l’autre. Il apportal a braise, la mit dans la pipe et s’assit jambes croisées pour fumer tout son soûl.
- Comment peut-il croiser les jambes s’il n’en à qu’une ?
- Ah mon petit, le Saci est malicieux. Il n’a qu’une jambe, mais il peut croiser les jambes comme s’il en avait deux ! Ce sont des choses que seulement lui peut comprendre et personne ne peut l’expliquer. Il a croisé les jambes et tiré quelques bouffées de la pipe, l’une après l’autre, satisfait de la vie. Mais soudain, puff ! Quelle explosion ! Quelle fumée ! Il est sorti en volant presque par la fenêtre.
Pedrinho ne comprenait pas.
- Mais quel puff a-t-il fait ? demanda-t-il
- Tu ne comprends pas ? J’avais mis de la poudre dans la pipe, s’exclama alors oncle Barnabé, en riant bien fort. La poudre a explosé quand il tira la bouffée numéro 7 et le Saci, la tête toute noire, est parti pour ne plus revenir.
- Quel dommage ! s’exclama Pedrinho. J’avais tellement envie de le connaître.
- Mais il n’y a pas qu’un Saci au monde mon enfant. Celui-ci est parti et ne revient jamais par ici, mais combien d’autres viennent par ici ? Encore la semaine passée, il y en avait un dans le champs de Quintas Teixeira. Il a suçé le sang de cette jument baie qui a une étoile sur la tête.
- Et comment fait-il pour sucer le sang des animaux ?
- Il fait une entaille dans la crinière, met un nœud coulant de façon à pouvoir rester debout et à planter les dents dans une veine du cou et sucer ainsi le sang, comme le font les chauves-souris. Le pauvre cheval a eu tellement peur qu’il est parti comme une flèche dans les champs, jusqu’à épuisement. La seule façon d’éviter cela est de jeter un gourdin au cou des animaux.
- Et ça marche ?
- Oui. Le Saci s’enfuit aussi vite qu’il le peut.
Pedrinho fut tellement impressionné par cette histoire qu’il ne cessait de penser au Saci. Il commençait à en voir partout. Dona Benta se moqua :
- Attention, j’ai déjà entendu l’histoire d’un enfant qui ne pensait qu’au Saci et qui en devint un.
Pedrinho ne l’écoutait pas et un jour, plein de courage, il décida d’en attraper un. Il alla alors voir Oncle Barnabé.
- J’ai décidé d’attraper un Saci dit-il, et j’aimerai que vous me montriez la meilleure façon de le faire.
Oncle Barnabé rit beaucoup de ce courage soudain.
- Je suis content de voir un enfant comme toi. Cela se voit que tu es le petit-fils de l’homme qui n’avait pas peur de la mule sans tête (autre légende brésilienne). Il y a plusieurs façons d’attraper un Saci, mais la meilleure est le tamis.
- Un tamis ? interrogea le petit.
- N’as-tu jamais remarqué que certains tamis ont très résistants ? Regarde ceux-ci. Et bien attends un jour de plein vent où il y a des tourbillons de poussière et de feuilles sèches. Jette alors le tamis sur un tourbillon et zas ! Dans tous les tourbillons, il y a un Saci car faire des tourbillons est une de leurs activités favorites.
- Et après ?
- Si le tamis est bien solide, le Saci est prisonnier. Il suffit de le glisser dans une bouteille et de bien la fermer, en veillant à mettre une ficelle autour du bouchon car ce qui retient le Saci n’est pas la bouteille mais la croix qui est gravée sur le bouchon. Il faut aussi lui enlever le bonnet et bien le cacher. Un Saci sans bonnet est comme un cigare sans fumée. J’ai déjà eu un Saci dans une bouteille qui m'a rendu beaucoup de services. Mais la petite mulâtre qui vit chez parrain Bastião est venue un jour à la maison et a tellement tripoté la bouteille qu’elle l'a cassé. Il y a eu alors une odeur de souffre. Le Saci a sauté sur son bonnet, qui était sur ce clou, et dit alors à bientôt !
Après avoir bien écouté, Pedrinho rentra chez et décida d’attraper un Saci coûte que coûte. Il raconta son projet à son amie Narizinho (petit nez) et lui expliqua ce qu’il ferait s’il arrivait à capturer un tel être. Après avoir récupéré un tamis, il attendit le jour de la Saó Bartolomeu (Saint Bartolomé), le plus venteux de toute l’année.
Cela lui parut très long car il était très impatient mais finalement ce jour arriva. Très tôt, Pedrinho s’en fut dehors, le tamis à la main, et attendit les tourbillons. Il n’eut pas à attendre longtemps car un tourbillon venait de se former et on le voyait avancer sur le sol.
- C’est le moment, dit Narizinho.
Pedrinho s’approcha sur la pointe des pieds et zas ! lui jeta le tamis dessus.
- Attrapé ! cria-t-il très ému, se jetant avec le poids de tout son corps sur le tamis. J’ai attrapé un Saci !
La petite Narizinho accourut pour l’aider.
- J’ai attrapé un saci ! Cours, Narizinho, et apporte la bouteille bien sombre que j’ai laissé dans la véranda. Vite !
La petite fille partit et revint bien vite.
- Mets la bouteille sous le tamis dit Pedrinho.
- Voilà, c’est fait !
La petite fille fit ce que lui demanda Pedrinho.
- Attrape maintenant le bouchon qui a une croix dessus, voilà, celle-là !
Comme oncle Barnabé l"avait dit, le Saci recherchait toujours le côté sombre et il entra tout seul dans la bouteille obscure. Ils partirent alors tout contents d’avoir réussi. Mais quand ils mirent la bouteille face au soleil, il n’y avait pas de Saci dedans !
La petite fille se moqua alors de Pedrinho, qui, désappointé, alla raconter l’histoire à oncle Barnabé.
- C’est ainsi dit le vieil homme. Le Saci est invisible dans une bouteille. Les gens ne savent pas qu’il est dedans. C'est seulement quand il fait chaud et que les yeux des gens se ferment de fatigue, que le Saci commence à se transformer et devient visible. C’est à partir de ce moment que l’on peut lui demander ce que l’on veut. Garde la bouteille bien fermée, je te garantis que Saci est dedans.
Pedrinho retourna chez lui, très content.
- Le Saci est dedans, dit-il à Narizinho, mais il est invisible, comme me l’a expliqué oncle Barnabé. Pour que les gens le voient, il faut qu’ils somnolent.
Tante Nastácia n’apprécia pas beaucoup cette histoire. Comme elle avait peur de tout ce qui était mystérieux, elle ne s’approcha plus de la chambre de Pedrinho.
- Que Dieu me garde d’entrer dans cette chambre avec la bouteille et le Saci dedans ! Je ne sais même pas comment dona Benta laisse faire cela dans sa maison. Tout cela ne paraît pas bien chrétien…