Léopold arrive

A peine était-il

A peine était-il remis en état et avait-il pris place dans la société, que Léopold apparaissait dans un fiacre qui arrivait au petit trot ; les deux Felgentreu - car Corinne ne se mettait pas en avant - coururent à sa rencontre sur la chaussée et agitèrent pour le saluer les mêmes foulards de toile qui leur avaient servi à refaire le vieux Schmidt pour le rendre de nouveau tant soit peu correct.
Treibel aussi s'était levé pour voir arriver son cadet.
- Curieux, dit-il à Schmidt et à Felgentreu entre lesquels il était assis, curieux ; on dit toujours : "tel père, tel fils ". Eh bien, le contraire arrive aussi. Aujourd'hui, toutes les lois de la nature sont ébranlées. La science moderne les met perpétuellement en danger. Voyez-vous, Schmidt, si j'étais Léopold Treibel (ne parlons pas de mon père, car lui c'était encore autre chose, il était de la vieille école), si j'étais Léopold Treibel, rien au monde ne m'aurait empêché d'arriver ici aujourd'hui à cheval et, du haut de mon coursier, gracieusement, j'aurais mis pied à terre et puis - n'est-ce pas, Schmidt, nous avons eu aussi notre belle époque - et puis avec ma badine j'aurais secoué la poussière de mes bottes et de mes inexpressibles et, à tout le moins, j'aurais eu l'air d'un jeune dieu avec mon œillet rouge à la boutonnière qui ressemblerait à une Légion d'honneur ou à quelque faribole du même genre. Mais regardez un peu le gamin. N'arrive-t-il pas comme s'il marchait à l'échafaud ? Sa voiture, ce n'est pas un fiacre, c'est une charrette, un traîneau. Grands dieux, quand quelqu'un n'a rien dans le ventre on ne peut rien en sortir.