Où est donc le lac

La première heure

La première heure se passa ainsi en bavardages de toutes sortes ; ceux qui ne parlaient pas pouvaient jouir du spectacle qui s'étalait à leurs yeux. Une terrasse tout d'abord les séparait du lac ; de l'autre rive on entendait le bruit lointain de quelques carabines qui devaient tirer dans un stand établi à cet endroit, plus près on percevait le roulement des boules et le cri intermittent des ramasseurs dans un jeu de quilles à double révolution qui semblait être relativement proche.
Quant au lac lui-même, on ne le voyait pas très nettement, ce qui à la fin impatienta les demoiselles Felgentreu.
- Il faut que nous voyions le lac. Nous ne pouvons tout de même pas avoir été à Halensee sans avoir vu le lac !
Alors elles rapprochèrent deux chaises, les dossiers l'un contre l'autre et elles grimpèrent dessus, pensant pouvoir ainsi apercevoir l'eau.
- Ah, le voilà. Il est un peu petit.
- Les "yeux d'un paysage" doivent toujours être petits, dit Treibel. Un océan n'est plus un œil.
- Et où peuvent bien être les cygnes ? demanda l'aînée des demoiselles qui était curieuse. Je vois cependant là-bas deux petites maisons pour les cygnes.
- Ah ! ma chère Elfriede, dit Treibel ; vous en demandez trop. Il en va toujours ainsi ; là où il y a des maisons, pas de cygnes ! L'un a la bourse, l'autre l'argent. Vous aurez maintes fois l'occasion, jeune et chère amie, de vérifier ce principe au cours de votre existence et je veux croire que ce ne sera pas trop à votre désavantage.
Elfriede le regardait les yeux grands ouverts. "A quoi veut-il faire allusion ou à qui ? Avait-il voulu parler de Léopold ? ou de l'ancien précepteur avec lequel elle continuait à correspondre, mais juste assez pour que l'affaire ne tombe pas complètement en sommeil ? Ou bien était-ce ce sous-lieutenant du génie ? Il avait pu songer aux trois à la fois. Léopold avait l'argent…hm ? "